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Kylian Mbappé n’a pas seulement joué l’Euro de football et rejoint le Real Madrid cet été. Il est aussi devenu l’actionnaire majoritaire à hauteur de 80 % du Stade Malherbe Caen (SM Caen), en juillet. Depuis ce rachat, le club de Ligue 2, qui commence son championnat samedi 17 août contre le Paris FC, a renforcé son équipe en recrutant l’ancien international français Yann M’Vila, et le milieu de terrain Lorenzo Rajot.
Est-ce déjà un « effet Mbappé » ? Difficile, pour le moment, de connaître sa réelle influence au sein de l’équipe normande. Mais le capitaine de l’équipe de France suit la tendance de certains joueurs qui rachètent des clubs pour préparer leur après-carrière, comme l’explique au Monde l’économiste spécialisé dans le sport, Jean-Pascal Gayant.
Plusieurs stars du ballon rond, à la retraite ou non, ont décidé ces dernières années de prendre la tête d’un club : David Beckham à l’Inter Miami (Etats-Unis), Zlatan Ibrahimovic à Hammarby (Suède), Ronaldo au Real Valladolid (Espagne) et à Cruzeiro (Brésil)… Cette nouvelle tendance détonne par rapport aux placements de leurs prédécesseurs.
« Il y a quarante ans, les joueurs de football étaient beaucoup moins payés, rappelle Jean-Pascal Gayant. Pour préparer leurs carrières post-professionnelles, ils achetaient généralement des restaurants ou des bars. Désormais, ceux qui ont accumulé beaucoup d’argent se positionnent naturellement comme des investisseurs et diversifient leur portefeuille en achetant de l’immobilier, des actions dans des entreprises et en investissant dans le champ du spectacle sportif. »
Cependant, la majorité des footballeurs n’ont pas les moyens financiers de débourser des dizaines de millions d’euros pour racheter un club sportif. Ce type d’investissement est réservé aux plus fortunés, nuance M. Gayant : « La plupart des joueurs en activité restent concentrés sur leur carrière et souhaitent d’abord assurer leurs prochains contrats. »
Lorsqu’il a racheté le SM Caen, pour une somme comprise entre 15 et 20 millions d’euros, Kylian Mbappé a épongé une partie des dettes de la structure, selon Le Parisien. Le rapport de la Direction nationale du contrôle de gestion établissait ses pertes à plus de 9 millions d’euros lors de la saison 2022-2023. Ce n’est pas un cas isolé, puisque la plupart des clubs sont dans le rouge, comme le PSG, qui accuse un déficit à hauteur de 110 millions d’euros sur la même période.
Dès lors, pourquoi certains footballeurs font-ils ce choix peu lucratif ? Selon Jean-Pascal Gayant, « ce n’est pas véritablement le volet financier qui les motive. Il y a sûrement une volonté de contribuer au développement du football. Envisager la deuxième partie de sa carrière à travers la casquette de dirigeant, plutôt que celle d’entraîneur par exemple. Certains se sentent aussi bien placés que des managers et des présidents qui sont parfois issus d’un autre environnement économique et qui n’ont jamais joué au football ». Pour l’auteur de l’ouvrage Economie du sport (Dunod, 2016), « ces rachats récents de clubs de la part de joueurs montrent qu’ils ont changé de position dans le monde du football. Ils ont inventé une nouvelle manière de gérer une fin de carrière. »
Bien que la majorité des clubs soient déficitaires, l’économie du football reste fructueuse à d’autres égards. « Avec l’augmentation des ventes de clubs et une progression des revenus au sein de ces institutions, le secteur économique du sport est attractif malgré les rares bénéfices que retirent les investisseurs. Nous sommes dans une société de loisirs où le spectacle sportif ainsi que les droits liés à l’image des clubs ou des joueurs sont commercialisés. »
Les footballeurs qui ont la capacité de racheter un club ont souvent attendu la fin de leur carrière ou leur retraite pour le faire. En prenant la tête du SM Caen à seulement 25 ans, Kylian Mbappé se distingue, une fois encore, par sa précocité. Même s’il a été surpris par cette nouvelle acquisition, M. Gayant rappelle que « Mbappé a déjà montré des aptitudes dans le business et dans le monde des affaires depuis le début de sa carrière ». L’ancien attaquant du PSG possède déjà plusieurs sociétés immobilières. Avec sa famille, en 2017, il a fondé KEWJF, une société commercialisant des produits dérivés dont le chiffre d’affaires a atteint 12,1 millions d’euros en 2021. En 2022, il a déposé à l’Office européen de la propriété intellectuelle ses marques, ses logos et même ses déclarations iconiques comme celle prononcée en 2022 : « Le football, il a changé. »
Mais avec le rachat du SM Caen, le capitaine se projette dans un autre rôle à l’issue de sa carrière sportive. « Il pense sûrement avoir les compétences pour être à la tête d’un club puisqu’il connaît parfaitement le football, pour détecter de futurs talents et gérer les interactions entre les joueurs au sein d’une équipe, analyse M. Gayant. Il mise aussi sûrement sur son nom pour attirer plus facilement des joueurs de meilleurs niveaux et convaincre des sponsors de l’accompagner dans son projet. »
Sans écarter un choix de sécurité. « Mbappé est peut-être prudent et conscient qu’une grave blessure peut arriver à tout instant et condamner sa carrière footballistique. »
Kylian Mbappé n’a toujours pas commenté son investissement au SM Caen. Mais pour Jean-Pascal Gayant, plusieurs explications sont possibles. « C’est un club abordable financièrement pour lui, et surtout avec du potentiel. Il y a un public fidèle, un beau stade et un environnement qui doit lui correspondre, puisque ce n’est pas très loin de la capitale. »
L’international français n’est pas seul aux manettes. Pierre-Antoine Capton est à la tête du conseil de surveillance du SM Caen et détient les 20 % restants du capital. Et Ziad Hammoud, ancien directeur de la stratégie et des investissements de BeIN Media Group, désormais directeur général de la société de gestion d’image de Kylian Mbappé, devrait être placé à la présidence, selon Le Parisien.
Pour Jean-Pascal Gayant, le numéro 9 du Real Madrid pourrait aussi envisager une opération à plus court terme, consistant à assainir la situation du club, faire monter l’équipe en ligue 1 et revendre avec une plus-value. C’est ce qu’avait fait la société Colony capital en 2006, en rachetant le PSG au groupe Canal+, aux côtés du fonds d’investissement français Butler Capital Partners et d’une banque américaine, pour 41 millions d’euros. Devenu par la suite actionnaire du PSG à 95 %, Colony Capital l’avait vendu pour 70 millions d’euros à la société Qatar Sports Investments en 2011. Depuis, la valeur du PSG a encore pris de l’ampleur, selon un rapport de Football Benchmark, qui le place huitième dans le top 10 mondial.
Adel Miliani
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